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Équipements de construction et garantie décennale : Une nouvelle jurisprudence en faveur du réemploi !

La Cour de cassation a opéré un changement dans sa jurisprudence en excluant de la garantie décennale les équipements de construction ajoutés ou remplacés sur des ouvrages existants. Ce revirement représente un réel soutien au réemploi dans le secteur de la construction. Voici un aperçu détaillé de cette décision et de ses implications.

Quels équipements sont concernés ?

Les équipements principalement visés incluent notamment :

  • Radiateurs
  • Pompes à chaleur
  • Chaudières à gaz

La situation antérieure : une garantie décennale généralisée

Depuis 2017, la jurisprudence de la Cour de cassation imposait la responsabilité décennale pour les équipements de construction, qu’ils soient d’origine ou ajoutés, dès lors que des désordres rendaient l’ouvrage impropre à son usage l’extension de la garantie décennale visait deux objectifs principaux :

  1. Simplification : en intégrant tous les équipements, qu’ils soient d’origine ou ajoutés, sous le même régime de garantie lorsque des défauts affectaient la fonctionnalité de l’ouvrage.
  2. Protection des maîtres d’ouvrage : les propriétaires pouvaient ainsi bénéficier d’une couverture décennale même pour des travaux de rénovation.

Constats de 2024 : une atteinte limitée aux objectifs

Complexité accrue
En 2022, la Cour a précisé que seuls certains équipements ajoutés pouvaient relever de la garantie décennale, créant de nombreuses distinctions entre les types d’équipements et leurs régimes de responsabilité .

Protection des maîtres d’ouvrage
Les enquêtes menées auprès des acteurs du secteur (France Assureurs, organisations professionnelles, etc.) ont montré que cette jurisprudence n’a pas conduit à une augmentation des souscriptions d’assurances décennales par les installateurs, réduisant ainsi la protection des propriétaires.

En outre, les assureurs ont dû faire face à des risques élargis et à des coûts de couverture accrus, notamment pour les équipements d’occasion, souvent exclus des garanties décennales malgré leur ancienneté.

Nouvelle orientation : la responsabilité de droit commun

Le 21 mars 2024, la Cour de cassation a renversé sa position en stipulant que les équipements ajoutés ou remplacés sur des ouvrages existants ne relèvent plus de la garantie décennale ni de la garantie biennale. Seule la responsabilité contractuelle de droit commun s’applique désormais, exemptant les entreprises d’une assurance obligatoire .

Désormais, en cas de dommages, le maître d’ouvrage devra prouver que l’entreprise a manqué à ses obligations contractuelles. En outre, le délai pour engager une action est réduit à 5 ans à compter du sinistre, contre 10 ans auparavant .

Impact positif pour le réemploi des équipements

Cette décision encourage le réemploi des équipements dans les travaux de rénovation. Les principaux avantages incluent :

  • Simplification des assurances : les travaux utilisant des équipements de réemploi n’exigent plus une garantie décennale, mais uniquement une assurance de responsabilité civile.
  • Partage des responsabilités : il devient possible de répartir contractuellement les responsabilités et risques entre le maître d’ouvrage et l’entreprise, en intégrant notamment des clauses pour limiter ou exclure certaines garanties pour les équipements réemployés, sous réserve de la réglementation sur les clauses abusives.

Dans l’ancien régime, la garantie décennale empêchait toute limitation de responsabilité, contraignant souvent les entreprises à refuser les équipements réemployés pour éviter de s’exposer en cas de sinistre

Une avancée anticipant la réforme des contrats spéciaux

Cette évolution jurisprudentielle reflète les propositions de la réforme des contrats spéciaux de 2022, qui vise à clarifier les garanties applicables aux constructeurs. Ce projet de loi précise que les « équipements installés sur existant » ne font pas partie des éléments d’équipement couverts par les garanties des constructeurs (projet d’article 1792-7).

Une régulation plus claire et plus stable est donc attendue pour garantir une meilleure sécurité juridique aux professionnels du bâtiment et simplifier l’usage du réemploi.